Sibylle:
L’ombre de la Sibylle apparaît.
Elle commence sa transe.
Elle tourne et commence son chant.
Moi, fille de Neso née de Teucer Sibullé Sibyla Sibylle
moi qui habitais Marpessos
moi qui au fond de la grotte du mont Corcyre suis demeurée neuf fois cent dix ans
moi qui vécus a Samos
moi qui vécus à Claros
moi qui vécus à Erythrae
moi qui vécus à Delphes
chaque aube je transportais ma pierre
pour tomber
et je ne tombais pas.
Ovide a dit:
O Amalthée! Et moi
je ressemblais à une cigale et ne pouvais mourir.
Je ne suis ni chamane ni prophétesse ni pythie!
Je ne suis qu’une mortelle qui n’arrive pas à dépenser ses jours!
Jadis j’ai ramassé par terre une poignée de poussière
O favilla! Poussière!
O vous, les cendres!
je vous ai montrées dans ma paume ouverte au dieu qui soulevait sa tunique le sexe tendu vers moi et je l’ai repoussé.
O favilla! Favilla!
Depuis lors ma vie en égrène un à un chaque grain minuscule.
Je suis plus vieille que la vieillesse.
J’ai sept cents ans. Trois cents moissons m’attendent.
Il me reste encore à boire trois cents fois le vin nouveau.
Dans la poussière, trois cents fois tombée ivre!
Trois cents printemps attendent un corps qui s’affaisse déjà et déçoit.
Les destins ne laissent aux corps qui vieillissent que le souffle sur les lèvres.
Et aux morts que le silence qui les engloutit.
Dans l’ombre
de la grotte
je tiens tant que je puis mes yeux fixés à terre:
Mon nom n’est plus qu’un chant qui veut mourir.
Mon corps n’est plus qu’un souffle qui voudrait s’expirer.
Chaque fois qu’un fidèle pénétrait dans ma caverne et demandait:
- Sibylle, que veux-tu?
je répondais:
- Homme, je veux mourir.
Chaque fois qu’un enfant poussait les pierres et dans mon ombre venait jouer, levait la tête:
- Sibylle, que veux-tu?
Je répondais:
Enfant, je veux mourir.
ἀποθανεῖν θέλω
ἀποθανεῖν
ἀποθανεῖν θέλω
2 - KYRIE
Chœurs:
Kyrie eleison!
Christe eleison!
Kyrie eleison!
Requiem aeternam, dona eis, Domine.