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REQUIEM: LES ETAPES DU PROJET

J'ai depuis plusieurs années l'idée d'écrire un Requiem.

La composition de " La Mort de Virgile " en a été une étape préliminaire. Mais c'est durant une longue croisière à la voile quelque peu aventureuse en Méditerranée que cette idée devint précise. Le récit de Maupassant de son voyage en Sicile m'avait entraîné vers le couvent des capucins de Palerme et ses morbides catacombes. Puis, le tombeau de Virgile sur le flanc du Pausilippe, à Naples, m'émut beaucoup. J'ignorais alors que, non loin de là, à Cumes, la mythique Sibylle avait son antre et allait devenir le personnage central de mon Requiem.

J'ai depuis l'origine le désir de mettre en vis-à-vis les textes de la liturgie traditionnelle et des textes profanes. J'en avais soigneusement préparé une sélection. Afin d'y voir un peu plus clair, j'entrepris une traduction des textes latins. Cet exercice était destiné à clarifier les mots et exploiter les pouvoirs qu'ils recèlent. C'est alors que mon projet prit une toute autre tournure. Je pris conscience qu'il y avait déjà une présence païenne dans le texte liturgique: " Dies Irae … teste David cum Sibylla. " - Jours de colère… ainsi que l'annoncent David et la Sibylle.

Dès lors je fus convaincu qu'un livret original devait être écrit pour cette œuvre. Il fallait pour cela un auteur de grand talent.

J'admirais depuis longtemps le travail de Pascal Quignard. Sa remarquable connaissance du monde antique, la poésie et la puissance d'évocation qui se dégagent de ses textes, enfin, et surtout, sa profonde réflexion sur la mort, tous ces éléments me laissaient espérer qu'il pourrait être sensible à mon entreprise.

Nous ne nous connaissions pas. Je lui fis part de mes intentions et, en juillet 2005, lui décrivis le projet en ces termes :

" […] un Requiem dans lequel interviendrait la Sibylle de Cumes, telle un contrepoids/contrepoint au rite liturgique. Sa voix nous guiderait dans le monde des morts. Bien sûr Virgile/Énée, Dante/Virgile. La mort cruelle de cette Sibylle m'inspire un grand effroi et m'évoque l'évanouissement progressif et inéluctable de notre civilisation. Cette Sibylle m'a déjà guidé quelque peu, notamment dans le " Waste land " de T. S. Eliot. Poème qui est devenu pour moi une puissante source d'inspiration pour ce projet. Et notamment la citation du Satiricon de Petrone: "Nam Sibyllam quidem Cumis ego ipse oculis meis vidi in ampulla pendere, et cum illi pueri dicerent: "Sibylla, ti theleis?" respondebat illa: "Apothanein thelô!
Je veux mourir !


Cette Sibylle me guide maintenant vers vous.
[…] "

Quignard répondit " Oui à tout, passionnément! "

Rendez-vous fut prit à Paris. Nous nous rencontrâmes une seule et unique fois, Villa Danube, fin octobre 2005. Nous étions très proches sur cette vision. Notre collaboration fut entendue. Il se mit au travail presque immédiatement.

Dans un courrier daté de novembre 2005, Pascal Quignard écrit:
"Ce requiem me hante."

Puis il joint une note d'intention pour la production:

" La lamentation traditionnelle du Dies irae commence par "Jour de colère ce jour où le monde sera réduit en cendres comme l'annoncent Davis et Sibylla". En latin: "Dies irae dies illa solvet saeculum in favilla teste David cum Sibylla."
L'approche de la mort est double: peur et paix. Epouvante et espérance. Nous sommes doubles. Face au souhait de vie éternelle le désir de mourir. C'est le mot de la Sibylle de Cumes dans Pétrone: "Je veux mourir" En grec: "Apotanein thelô."
La liturgie chrétienne ne relaie que la prophétie de David. Elle laisse en creux l'antre de la Sibylle païenne. La Sibylle prophétisait en grec dans la baie de Naples. Sa grotte s'ouvrait à Cuma près de la bouche des enfers de l'Averno.
Face à l'obsession paradisiaque et la crainte de l'enfer, le désir entêté d'en finir entièrement, totalement.
Laisser face à face ces deux désirs. Ces deux douleurs.
Ce requiem ne choisit pas: continuer immortellement, finir à jamais, latin, grec, David, Sibylla. "

Le livret est achevé et édité chez Galilée (septembre 2006).

Pascal Quignard apporte une dimension nouvelle à ce projet. Il livre à son propos: "L'idée extraordinaire qui domine ce requiem et le singularise si profondément à l'égard de tous les autres consiste précisément à laisser côte à côte - sans choisir - désir d'anéantissement et désir d'éternité."

La partition avance. Pas à pas. Grain à grain.

Et la musique ne choisira pas.