UNE
OEUVRE QUI TRAVERSE LES SIECLES.
Cest
au cours du Carnaval de lannée 1494 que La Nef
des Fous du strasbourgeois Sebastian Brant est publiée
à Bâle. Composée de 112 chapitres indépendants
les uns des autres, loeuvre obtient un succès immédiat
et devient lun des livres les plus lus au cours du 16ème
siècle.
Le
thème a été depuis utilisé de nombreuses
fois, ainsi la peinture de Bosch La Nef des Fous (Musée
du Louvre, Paris), Eloge de la Folie dErasme, certaines
parties du Pantagruel de Rabelais, ou des Essais de Montaigne,
etc
La Nef des Fous semble avoir été inspirée
par une tradition de Mardi Gras (Haut et Bas Rhin), ou bien par détonnantes
et réelles pratiques villageoises, décrites dans lHistoire
de la Folie de Michel Foucault. Elles consistaient, selon le
philosophe, à faire embarquer les fous de la région
sur le Rhin, et à les laisser dériver vers le royaume
de la folie, Narragonia.
Chacun
des chapitres est consacré à la description dune
folie, dune passion ou dun vice. A chacun deux correspond
une gravure (pour certaines attribuées au jeune Dürer)
qui donne une image saisissante de la folie dont il est question.
Elles sont accompagnées dune très brève
description, dune morale ou dun dicton (populaire ou inventé
par lauteur). Ce texte, dans ladaptation française
versifiée de Marc Gautron, formidablement contemporain, drôle,
dérangeant, nous dépeint les excès humains tels
le pouvoir, les racontars, la calomnie, ladultère, la
vanité, la grossièreté, la flatterie, etc
Ladaptation
théâtrale que nous proposons est basée sur loeuvre
de Brant et sur loeuvre musicale de Lancino dont elle sinspire.
Elle consiste en une série de miniatures musicales de 1 à
5 minutes chacune, chantées par une soprano et un baryton,
accompagnés dun petit ensemble instrumental. Construites
sur des aphorismes, elles sont liées entre elles par le texte
de Brant, déclamé par un acteur. Le texte est mordant
et vif, étonnamment proche de nous, et, présenté
dans ce contexte poétique et musical original, prend une dimension
nouvelle.
Composée
cinq siècles après que Brant ait terminé son
ouvrage, la musique est ironique, parfois grave, suivant de près
le texte quelle exprime, ainsi que les gravures qui laccompagnent.
De cette production, dans laquelle la musique, les mots, les voix
et les images se mélangent dans un extravagant scintillement,
émerge un monde imaginaire proche de celui de Jérôme
Bosch. La musique originale, inspirée et conçue directement
daprès le texte et ses gravures, est rehaussée
par la variété des couleurs instrumentales et des couleurs
vocales utilisées par le compositeur.
Les
spectateurs embarquent gaiement et parfois gravement pour un voyage
éperdu vers le pays des vices et des passions.
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