QUATRIEME EGLOGUE - Virgile

Annonce par la Sibylle de la naissance d'un enfant qui va sauver le monde


Il s'avance enfin, le dernier âge prédit par la Sibylle :
je vois éclore un grand ordre de siècles renaissants. Déjà la vierge Astrée revient sur la terre, et avec elle le règne de Saturne ; déjà descend des cieux une nouvelle race de mortels.
Souris, chaste Lucine, à cet enfant naissant ; avec lui d'abord cessera l'âge de fer, et à la face du monde entier s'élèvera l'âge d'or : déjà règne ton Apollon. Et toi, Pollion, ton consulat ouvrira cette ère glorieuse, et tu verras ces grands mois commencer leur cours. Par toi seront effacées, s'il en reste encore, les traces de nos crimes, et la terre sera pour jamais délivrée de sa trop longue épouvante.
Cet enfant jouira de la vie des dieux ; il verra les héros mêlés aux dieux ; lui-même il sera vu dans leur troupe immortelle, et il régira l'univers, pacifié par les vertus de son père. Pour toi, aimable enfant, la terre la première, féconde sans culture, prodiguera ses dons charmants, çà et là le lierre errant, le baccar
et le colocase mêlé aux riantes touffes d'acanthe. Les chèvres retourneront d'elles-mêmes au bercail, les mamelles gonflées de lait ; et les troupeaux ne craindront plus les redoutables lions : les fleurs vont éclore d'elles-mêmes autour de ton berceau, le serpent va mourir ;
plus d'herbe envenimée qui trompe la main ; partout naîtra l'amome d'Assyrie.

[...]

Enfant, commence à connaître ta mère à son sourire : que de peines lui ont fait souffrir pour toi dix mois entiers ! Enfant, reconnais-la : le fils à qui ses parents n'ont point souri n'est digne ni d'approcher de la table d'un dieu, ni d'être admis au lit d'une déesse.

Bibliotheca Classica Selecta - (Textes Latins)