En sortant de Pleyel on n’a qu’une envie : réécouter ce Requiem au plus vite!

REVUE DE PRESSE COMPLÈTE:

“ Enfin une grande œuvre contemporaine qui peut toucher le plus large des publics. Un événement à n’en pas douter ! [...] Lancino a un sens aigu du temps théâtral, de la rupture, de la déclamation que la musique magnifie sans cesse. Le Requiem dure environ 1h20 et, à aucun moment, l’attention se relâche. [...] Et le public très concentré, attentif, dans ce silence presque pieux qui ne trompe pas, se laisse envahir par cette musique qui a transcendé les écoles et rayonne de beauté” .
Marcel Quillévéré (Forum Opera - 8 janvier 2010)

“ Lancino a réussi, comme il le souhaitait, « à atteindre (chez chacun) ces contrées intérieures lointaines où les âmes prennent refuge ». Et pour avoir tenté de toucher la Mort c’est bien la Vie qu’il chante dans ce beau Requiem. ”
Marcel Quillévéré
(Forum Opera - 8 janvier 2010)

“ Une œuvre impressionnante. [...]
C'est le coup de génie de Thierry Lancino et de son librettiste Pascal Quignard que d'avoir convoqué David et la Sibylle! ”
Jean-Pierre Derrien ( France Musique - 8 janvier 2010)

“ Introduire la voix oraculaire de la sibylle dans le parcours d'une messe pour les morts, telle est l'une des nombreuses originalités du Requiem de Thierry Lancino. [...] La partition écrite par ce Français de 55 ans résidant aux Etats-Unis manifeste de grandes qualités dramatiques. [...] Aussi peu dogmatique que le texte qui lui sert de support, la musique de Thierry Lancino balaye un large champ esthétique sans jamais paraître hybride. ”
Pierre Gervasoni (Le Monde - 10 janvier 2010)

“ Cette partion de quatre-vingt minutes se distingue par sa ferveur sincère, son sens dramatique, sa capacité à manier les masses sonores" .” .
Christian Merlin (Le Figaro - 11 janvier 2010)

“ Mais s’il ne se refuse pas les effets spectaculaires que peut produire une telle masse vocale et instrumentale [...], Lancino réussit peut-être encore mieux les pages de recueillement et de dépouillement. [...] Le public, bien que plutôt habitué, le vendredi soir à Pleyel, au Requiem de Mozart ou de Verdi, réserve un bel accueil au compositeur et aux interprètes” .
Simon Corley (ConcertoNet - 8 janvier 2010)

“ Ce qui frappe d’abord dans cette nouvelle partition, c’est son extrême liberté d’écriture et sa grande variété de ton. L’écriture vocale, souvent opulente et remarquablement défendue par les Chœurs de Radio France. [...] Une belle unité d’inspiration tout au long de sa nouvelle pièce dirigée avec le plus grand soin par Eliahu Inbal ” .
Jacques Doucelin (Concert Classic - 8 janvier 2010)



“ L’écriture alterne passages d’une grande complexité et moments épurés, toujours dans un souci de progression du drame. [...] Les moments de recueillement, par leur économie de moyens, semblent les plus « authentiques ». [...]
Dérangeant ou enthousiasmant, exaspérant ou envoûtant, le Requiem de Thierry Lancino ne laisse pas l’auditeur indifférent. Et c’est là l’essentiel d’une œuvre en création. ”
Maxime Kaprielian
(Resmusica - 11 janvier 2010)

“ Un immense compositeur français triomphe à Pleyel. [...] Le grand mérite de Thierry est d’avoir su s’évader de la voie où ses maîtres avaient engagée la musique depuis une soixantaine d’années. [...] Thierry Lancino a un exceptionnel savoir faire de compositeur et d’orchestrateur, mais il a inventé son propre langage ”.
Jean-Michel Bélouve (Agora Vox - 21 janvier 2010)

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FORUM OPERA - Magazine en ligne

Un Requiem d’aujourd’hui ouvert sur la vie

Enfin une grande œuvre contemporaine qui peut toucher le plus large des publics. Un événement à n’en pas douter ! La création d’un Requiem en ce début du XXIe siècle a de quoi étonner. De plus, une création qui convoque à la Salle Pleyel quatre chanteurs de renom, l’Orchestre Philharmonique de Radio France au grand complet (voire plus !), ainsi que le chœur, lui aussi au grand complet, voilà qui est peu commun. De plus le compositeur est plutôt inconnu et l’on s’étonne alors de voir un public aussi nombreux.

Au vu de cet effectif qui rappelle les grands Requiems de l’histoire de la musique, on s’attend à un concert symphonique traditionnel. Or dès le début, on sait qu’on va assister à une œuvre forte et hors du commun, ne serait-ce que par l’impact impressionnant des treize appels de gongs, bols tibétains, cloches et grosses caisses qui la débutent et qui annoncent la grande invective de la Sybille de Cumes : « Les destins ne laissent aux morts que le silence qui les engloutit ».
La percussion va, d’ailleurs, jouer un rôle déterminant dans cette œuvre. Les martèlements rythmiques, tragiques ou exubérants, les scansions implacables vont sous-tendre l’édifice toute la soirée, hormis quelques moments suspendus, propices au recueillement et absolument magnifiques. Le compositeur nous invite à une longue marche qui est celle de toute vie vers l’inéluctable événement que l’on nomme la mort.
La Sybille, dans le scénario imaginé par Pascal Quignard, va se confronter à David. Le monde des morts qui aspire à l’anéantissement, et auquel elle appartient, se heurte au choix de David de la promesse d’une vie éternelle. « La partition avance ainsi, pas à pas « dit le compositeur « mais la musique ne choisira pas » et l’auditeur restera face au seul questionnement. Pascal Quignard le précise bien : « Je ne veux pas avoir à choisir entre la Sybille et David. Je veux laisser face à face ses deux désirs ».
Curieusement c’est une énergie vitale qui se dégage de cette confrontation laissant la figure de Dieu comme étrangère au débat, dans ces textes traditionnels du rituel religieux. Les déclamations chantées en grec ancien ou en latin rappellent cette quête qui remonte au plus lointain de l’histoire de l’Homme. Ce n’est pas une messe de Requiem, mais bien une longue méditation quasiment théâtrale où le concert est bien le seul rituel, un peu à la manière de Brahms dont le Requiem Allemand n’était pas non plus un service sacré. Lancino a un sens aigu du temps théâtral, de la rupture, de la déclamation que la musique magnifie sans cesse.
Le Requiem dure environ 1h20 et, à aucun moment, l’attention se relâche. La direction remarquable d’Eliahu Inbal, à la tête du Philharmonique totalement investi, y est essentielle. Il fallait un grand mahlérien comme lui pour mener un tel vaisseau au port. Et le public très concentré, attentif, dans ce silence presque pieux qui ne trompe pas, se laisse envahir par cette musique qui a transcendé les écoles et rayonne de beauté.
Voici donc enfin une œuvre de musique « contemporaine » (Ah ce terme si dévoyé !) qui va droit au cœur. Le public de Pleyel, peu familier des concerts de l’IRCAM et captivé par l’œuvre, n’a pas ménagé ses applaudissements au salut final, surtout à l’adresse du compositeur.
En sortant de Pleyel on n’a qu’une envie : réécouter ce Requiem au plus vite. Retrouver ce Dies Irae qui n’est pas sans rappeler la Symphonie des Psaumes, le poignant Ingemisco chanté pianissimo par la soprano Heidi Grant Murphy aux aigus flûtés, sur un tapis de violoncelles à l’unisson qui se divisent uniquement à l’entrée du chœur (les différentes sections de ce Requiem se succèdent sans transition et semblent naître l’une de l’autre, imperceptiblement). Retrouver aussi le Lacrymosa déclamé avec grande noblesse par la basse Nicolas Courjal : timbre magnifique, diction sans faille, projection qui lui permet de passer au-dessus de l’orchestre en permanence.
Très beau aussi le Chant de la Sybille inséré dans l’Offertoire « Heureux les morts qui chantent dans la mort » (la voix de mezzo de Nora Gubisch semble, hélas, peu à l’aise dans un rôle qui sollicite souvent la tessiture de contralto, où, justement, une diction plus précise et projetée serait de mise). Le ténor Stuart Skelton, dont on se souvient de beaux Florestan, chante le rôle de David avec un beau legato et du velouté dans la voix. Son « Des profondeurs je crie vers toi » au-dessus du dialogue du basson, du hautbois et de la percussion est très émouvant. De son chant, naît un chœur de femmes à l’unisson, simple et évident comme une complainte populaire (Magnifique couleur du Chœur de Radio France). Et même si le Sanctus semble revenir à certains schémas rebattus de la musique d’aujourd’hui, il s’ouvre soudain sur un solo lumineux de soprano, au-dessus du chœur, alors que la percussion relance implacablement la marche en avant. Oui, cette œuvre a transcendé les écoles et, comme le dit Lancino, en évoquant d’un clin d’œil amusé Billy Wilder, les sept années passées avec bonheur, auprès de Pierre Boulez, à L’IRCAM furent surtout « Sept années de réflexion » ! (Lancino habite Manhattan aujourd’hui : ceci explique cela !).

Lancino a réussi, comme il le souhaitait, « à atteindre (chez chacun) ces contrées intérieures lointaines où les âmes prennent refuge ». Et pour avoir tenté de toucher la Mort c’est bien la Vie qu’il chante dans ce beau Requiem.

Marcel Quillévéré (Forum Opera - 8 janvier 2010)

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LE MONDE en ligne

Requiem "tendance swing"

INTRODUIRE la voix oraculaire de la sibylle dans le parcours d'une messe pour les morts, telle est l'une des nombreuses originalités du Requiem de Thierry Lancino, qui a été donné en création, vendredi 8 janvier, Salle Pleyel, à Paris. Déployé dans un somptueux prologue, le chant (mezzo-soprano) de la prophétesse qui officiait dans la baie de Naples prépare l'auditeur à un parcours spirituel des plus énigmatiques.

Le compositeur Thierry Lancino a redistribué les cartes du requiem avec la complicité de l'écrivain Pascal Guignard. Les exclamations du Kyrie sont, par exemple, lancées avant le « requiem aeternam » qui ouvre traditionnellement l' Introït. Mais le résultat est très prenant, comme le Dies Irae, qui semble investi par une nuée de feux follets à tendance swing. La partition écrite par ce Français de 55 ans résidant aux Etats-Unis manifeste de grandes qualités dramatiques. Souvent par le recours à des dispositifs inédits (le piano préparé évoque la grotte de la sibylle) mais parfois en toute simplicité (la prière chantée a cappella par la soprano soliste). Aussi peu dogmatique que le texte qui lui sert de support, la musique de Thierry Lancino balaye un large champ esthétique sans jamais paraître hybride.

Pierre Gervasoni (Le Monde - 10 janvier 2010)

FRANCE MUSIQUE écouter

Une œuvre impressionnante. [...]
C'est le coup de génie de Thierry Lancino et de son librettiste Pascal Quignard d'avoir convoqué David et la Sibylle!


Jean-Pierre Derrien (France Musique - 8 janvier 2010)

CONCERTONET en ligne

L’éternité et le néant

Début d’année contrasté pour les deux orchestres de Radio France: grand répertoire pour le National, avec son directeur musical, Daniele Gatti, musique de notre temps pour le Philharmonique, sous la direction d’Eliahu Inbal, avec la création du Requiem de Thierry Lancino (né en 1954). Pour réaliser ce projet de longue haleine, le compositeur franco-américain a bénéficié d’une triple commande de la Fondation Koussevitzky, de Radio France et de l’Etat. L’œuvre est écrite à la mémoire de Serge et Natalie Koussevitzky mais aussi dédiée à Selam, petite fille australopithèque de trois ans, fossilisée depuis plus de trois millions d’années découverte en Ethiopie en 2000.

Contrairement à bon nombre de requiem contemporains, celui de Lancino n’élude pas la liturgie latine en cinq sections (Introït, Séquence, Offertoire, Sanctus, Agnus Dei) mais, à la manière de Britten dans son War Requiem, il y insère ou y superpose d’autres textes, en français – de Pascal Quignard ou de l’Ancien Testament – et en grec ancien (à partir d’oracles réputés authentiques de la Sibylle): un «Prologue», un Psaume, un «Chant de la Sibylle» et un «Chant de David». Le «Dies Iræ» médiéval fait lui-même référence à David et à la Sibylle: c’est cette dualité qui a inspiré ce Requiem, fondé sur l’opposition entre désir de vie et nécessité de la mort, entre deux aspirations contradictoires, l’éternité pour le roi à la harpe, le néant pour la prophétesse de Cumes, incarnés respectivement par un ténor et par une mezzo, qui se contredisent jusqu’au duo final du «Dona eis requiem». Placés à la gauche du chef, les deux «personnages» sont associés, sur sa droite, à une soprano («l’être humain, la cellule, dans son individualité et sa souffrance») et à une basse («l’aspect guerrier de l’homme, le prolongement de David»).

Quatuor vocal, grand chœur et orchestre wagnérien, notamment dans les rangs des cuivres (huit cors dont quatre tubas ténors, trompette basse, trombone contrebasse), l’ensemble requérant un proscénium additionnel: l’effectif s’inscrit explicitement dans une longue tradition d’imposants requiem, y compris par ses vastes proportions (73 minutes). Mais s’il ne se refuse pas les effets spectaculaires que peut produire une telle masse vocale et instrumentale («Dies iræ», «Rex tremendæ», «Confutatis»), Lancino réussit peut-être encore mieux les pages de recueillement et de dépouillement, comme l’«Ingemisco» entonné par la soprano, rejointe par le seul pupitre des violoncelles, ou l’«Agnus Dei», lente fugue a cappella magnifiquement chantée par le Chœur de Radio France.

Et c’est comme s’il s’attachait à brouiller délibérément les pistes: au syncrétisme philosophique de ce Requiem, qui mêle le religieux et le païen, les langues mortes et la langue vernaculaire, le sacré et le profane, voire l’office et le théâtre (le Prologue de Quignard s’ouvre sur une didascalie), correspond un syncrétisme sonore. Evitant le pathos mais pas toujours les poncifs, la musique quitte rarement, pas même dans le «Sanctus», les couleurs ternes et moroses de la déploration ou de la plainte, à peine éclairées par le piano (préparé), les harpes et un large éventail de percussions, confiées à six musiciens. Laissant le plus souvent planer une habile équivoque tonale, l’écriture se fait parfois franchement consonante, comme dans le «Lacrimosa».

Assisté par un sur titrage opportun et par un programme de salle exemplaire, toujours gratuit mais autrement plus complet que bien des brochures payantes – et qu’on peut retrouver sur le site du compositeur, complété par de nombreux autres documents et informations – le public, bien que plutôt habitué, le vendredi soir à Pleyel, au Requiem de Mozart ou de Verdi, réserve un bel accueil au compositeur et aux interprètes. Dans cette acoustique toujours difficile pour les voix, la basse Nicolas Courjal s’impose plus nettement que le ténor Stuart Skelton, tandis que Nora Gubisch est aussi à l’aise dans les incantations de la Sibylle que Heidi Grant Murphy dans le désarroi et l’espoir de l’être humain.

Simon Corley (January 8, 2010)


CONCERT CLASSIQUE
en ligne

Création du Requiem de Thierry Lancino - Un oratorio mondialisé

Les églises se sont peut-être vidées depuis le milieu du XXe siècle, le Requiem en tant que genre musical, lui, a la vie dure, preuve que la spiritualité continue de tarauder l’homme d’aujourd’hui. Ce qu’illustrent les Messes des morts signées Britten, Ligeti, Penderecki, Wolfgang Rihm ou Rebotier. Rien d’étonnant donc à ce que Thierry Lancino (né en 1954) (photo) parvenu à la maîtrise de son art, ait décidé de s’y confronter pour la commande qu’il a reçue de Radio France, du ministère de la Culture et de la Fondation Koussevitzky créée à Pleyel sous la baguette d’Eliahu Inbal.

Douze coups de gong ouvrent le cérémonial qui s’achève soixante-dix minutes plus tard avec un surprenant Amen assis sur un consensuel accord majeur. Entre les deux, Thierry Lancino et son librettiste Pascal Quignard déroulent une manière d’oratorio, à en croire le compositeur. Ils ne suivent, en effet, que de loin la liturgie traditionnelle y ajoutant ainsi deux figures bibliques inhabituelles, la sibylle de Cumes et David : la première réclame la mort en soulagement d’une trop longue vie terrestre, le second la vie éternelle. L’un et l’autre auront satisfaction au terme du parcours à en croire sa conclusion en majeur.

Ce qui frappe d’abord dans cette nouvelle partition, c’est son extrême liberté d’écriture et sa grande variété de ton. L’écriture vocale, souvent opulente et remarquablement défendue par les Chœurs de Radio France, plonge ses racines dans la musique religieuse, y compris la plus ancienne. Les quatre solistes vont du récitatif dépouillé à l’aria la plus ornée, nous réservant les plus belles surprises de la soirée. Je pense en particulier à l’Ingemisco très intimiste confié à la magnifique soprano américaine Heidi Grant Murphy accompagnée par les seuls violoncelles, ainsi qu’au bouleversant Lacrimosa, vaste lamento dont la déploration gagne le chœur et les quatre solistes.

La sibylle est confiée à la mezzo française Nora Gubisch, au timbre ingrat dans le medium, mais qui défend avec bravoure l’étrangeté de son personnage. Si le David du ténor australien Stuart Skelton a tendance à se laisser déborder par l’orchestre, il ne manque pas de brio dans l’aigu. La basse française Nicolas Courjal donne simplement l’image de la perfection dans le respect du style. L’écriture orchestrale est plus cosmopolite empruntant dans le Confutatis à l’extrême orient japonais, reflétant une certaine mondialisation de l’instrumentarium. Ce qui n’empêche pas le compositeur de maintenir une belle unité d’inspiration tout au long de sa nouvelle pièce dirigée avec le plus grand soin par Eliahu Inbal à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Radio France.

Jacques Doucelin (Concertclassic - 8 janvier 2010)


LE FIGARO en ligne

Cette partion de quatre-vingt minutes se distingue par sa ferveur sincère, son sens dramatique, sa capacité à manier les masses sonores ” .
Christian Merlin (Le Figaro - 11 janvier 2010)

ANACLASE en ligne

CRÉATION DU REQUIEM DE THIERRY LANCINO

Pour son premier concert de l'année 2010, l'Orchestre Philharmonique de Radio France a opté pour une création mondiale. Une œuvre unique occupant une soirée entière, une ample partition funèbre de plus de quatre-vingt minutes, ce qui, espérons-le, n'augure en rien un millésime de triste mémoire. Il s'agissait en effet d'un Requiem dans la tradition des grandes messes des morts romantiques. Compositeur français vivant à New York, Thierry Lancino (né en 1954) n'a pas choisi la facilité en décidant de mettre en musique le rituel funèbre de l'Eglise catholique déjà illustré de si admirable façon par un nombre impressionnant de compositeurs depuis le Moyen Age jusqu'au XXe siècle.

Avec sa centaine de musiciens - 14.12.10.9 coté cordes, deux harpes, bois et cuivres par quatre (huit cors dont quatre aussi tuben Wagner, un cimbasso Verdi, et un tubiste), cinq percussionnistes, neuf timbales, piano préparé pour évoquer la grotte de la Sybille -, quatre-vingt choristes et quatre solistes (soprano, mezzo-soprano, ténor, basse) - effectifs postromanti-ques -, cette partition tient des requiem apocalyptiques type Berlioz et Verdi au XIXe siècle, voire Britten et Reimann au XXe, et non pas de ceux, plus sereins et lumineux, de Brahms et de Fauré.

A l'instar de Britten, qui mêle au rituel latin des poèmes de Wilfred Owen (le War Requiem sera donné dans cette même salle Pleyel par l'Orchestre de Paris les 20 et 21 janvier), Lancino intègre un texte en langue vernaculaire de Pascal Quignard qui fait se confronter la Sybille mythologique et le roi David. C'est dans cette partie que le compositeur impose sa griffe, même si, dans cet Introït, le style vocal est trop systématiquement au récitatif façon Debussy, avant de céder au chant à la première intervention du soprano, dans l'Ingemisco chanté a capella d'une émouvante simplicité où l'on est saisi par le nuancier infini de l'interprète, Heidi Grant Murphy. On retrouve alors les couleurs et élans chers aux romantiques, avec un Dies irae tellurique façon Verdi et un final façon Crépuscule des dieux qui débouche sur l'archaïsme d'un accord parfait (l'entrée au paradis ?) soutenant un unique Amen... Souvent convenue, avec quelques tunnels, cette partition recèle des beaux moments, comme la séquence Confutatis-Lacrimosa-Offertorium. Œuvre d'évidence sincère et dramatique, ce Requiem ne surprend guère une fois passé le monologue de la Sybille à qui Nora Gubisch donne tout son impact.

La distribution est d'ailleurs impeccable, y compris le ténor Stuart Skelton, qui a du mal à s'imposer au début face aux masses sonores. Mais Nora Gubisch, qui surmonte les difficultés d'une écriture exploitant un peu trop systématiquement le registre grave, est impressionnante dans le médium et dans un aigu de lumière. Nicolas Courjal est une basse d'une solidité et d'une force impressionnante, tandis que le soprano Heidi Grant Murphy est toute de nuances et d'intériorité. Les Chœurs de Radio France sont remarquables, et Eliahu Inbal a parfaitement tenu le tout, notamment un Philharmonique de Radio France sonnant fier.

Retransmise en direct sur France Musique, cette création aura créé l'événement : au milieu d'un public plutôt fourni dans un tel contexte, se trouvaient réunis de nombreux compositeurs - notamment Philippe Manoury, Philippe Schoeller, Luca Francesconi, Gualtierro Dazzi, Allain Gaussin, Michèle Reverdy, Betsy Jolas, Félix Ibarrando, Philippe Petit, Kaija Saariaho, Régis Campo -, le chef d'orchestre Alain Altinoglu, mais pas un représentant du ministère de la Culture...

Bruno Serrou (8 janvier 2010)

CONCERTONET en ligne

UN REQUIEM FRANÇAIS

Mélanger poésie profane en langue vernaculaire et textes liturgiques est une tentation qui remonte aux soties et mistères du Moyen-âge. Mais dans le répertoire symphonique, seul le War Requiem de Britten – et dans une moindre mesure Dona nobis pacem de Vaughan Williams – s’est maintenu à l’affiche.

Thierry Lancino, dans son Requiem, s’inscrit dans cette lignée, et plus largement dans un genre proche de « l’opéra en habits liturgiques ». La religion est prise sur son coté mystique par le musicien et l’écrivain Pascal Quignard, qui introduit le personnage de la Sybille d’Erythrée, annonciatrice de la seconde venue du Christ au moment du Jugement Dernier, personnage cité dans la séquence Dies Irae (Teste David cum Sibilla). Le Psaume 38 de David y est donc naturellement rajouté. Ce mélange de liturgie et de paganisme appelle au rituel, dans l’esprit de ce que faisait Maurice Ohana. La partition de Lancino se souvient assez souvent de ce prédécesseur.

Nous sommes donc en présence d’une œuvre de vastes dimensions, qui ne se refuse ni à la grandiloquence ni au dramatisme, et qui théâtralise par ses divers effets la Messe des Morts. L’effectif demandé est pléthorique : orchestre symphonique au complet augmenté d’une large section de percussions et d’un piano préparé, chœur mixte souvent divisé duquel sont extraits quelques passages solistes, et bien sûr le traditionnel quatuor vocal. L’écriture alterne passages d’une grande complexité et moments épurés, toujours dans un souci de progression du drame. Le langage musical de Thierry Lancino se fait donc disparate, se référant tour à tour à Ohana (particulièrement l’Office des Oracles et Dies Solis-Nux Loctis), Stravinsky (Noces) ou Boulez (Rituels). Si le coté démonstratif peut paraître agaçant, usant parfois d’une complexité d’écriture – surtout dans la partie chorale – contestable, les moments de recueillement, par leur économie de moyens, semblent les plus « authentiques ». Les prophéties de la Sybille, le Psaume de David, le Lacrymosa, l’Offertoire et les quelques solos de soprano sont les moments les plus réussis de la soirée.

Les interprètes portent l’imposante partition à bout de bras et la défendent becs et ongles. Eliahu Inbal dirige l’ensemble fermement, d’une main de maître, sans jamais se laisser dépasser par l’œuvre. L’orchestre le suit avec une rare application. Le plateau vocal est plus inégal : Nora Gubisch – impeccable Sybille - et Nicolas Courjal dominent, Stuart Skelton se sort comme il peut d’une tessiture trop grave pour lui, et Heidi Grant Murphy fait part de ses défauts habituels. Enfin notons l’excellente participation du Chœur de Radio-France, très bien préparé par Sébastien Bouin, dont les progrès sont à chaque concert de plus en plus probants.

Dérangeant ou enthousiasmant, exaspérant ou envoûtant, le Requiem de Thierry Lancino ne laisse pas l’auditeur indifférent. Et c’est là l’essentiel d’une œuvre en création.

Maxime Kaprielian (11 janvier 2010)



AGORA VOX en francais

Thierry Lancino : un immense compositeur français triomphe à Pleyel

J'ai fait le voyage de Poitiers à Paris, vendredi 8 janvier, pour assister à la première mondiale du REQUIEM de Thierry Lancino. J’ai été comblé au-delà de toute espérance. Certes, je m’attendais à un spectacle sortant de l’ordinaire, car j’ai pu apprécier, à l’écoute des courts extraits musicaux proposés par le site http://www.lancino.org, tout le talent de ce compositeur, à la carrière exceptionnelle, émaillée de diplômes et de prix, et, curieusement, presqu’inconnu des mélomanes français. Le REQUIEM devrait modifier cette regrettable anomalie. Thierry sait tout faire, de la musique pour solistes, pour orchestre de chambre, pour la voix humaine, aux œuvres pour grand orchestre et aux compositions vocales les plus ambitieuses, et également la musique de synthèse. Il maîtrise parfaitement les instruments et la voix, nous offre des sonorités nouvelles, invente véritablement de la musique.

Mais le grand mérite de Thierry est d’avoir su s’évader de la voie où ses maîtres avaient engagée la musique depuis une soixantaine d’années, sous l’influence de Boulez, Nono, et autres dodécaphonistes. La musique était devenue un langage ésotérique, hermétique à l’oreille du plus grand nombre, contrainte à la tyrannie de douze notes différentes successives, une musique que disaient comprendre un cénacle d’initiés et qui, malheureusement, a chassé trop de gens des salles de concert.

De l’enseignement académique et de son passage à l’IRCAM, Thierry Lancino a retiré un exceptionnel savoir faire de compositeur et d’orchestrateur, mais il a inventé son propre langage, qu’il a décidé de mettre à la portée de toutes les oreilles. Ce faisant, il a rendu la musique contemporaine à la Grande Musique, celle que nous offraient Debussy, Ravel ou Olivier Messiaen. Avec le Requiem, Thierry rejoint incontestablement le panthéon de ces illustres compositeurs français.

Tout était magique dans cette soirée de gala, Salle Pleyel. Le cadre majestueux de ce lieu mythique de la musique, certes, le grand orchestre de Radio France et ses quelques 120 instrumentistes, son immense chœur, le seul en France qui ne compte que des chanteurs professionnels et rémunérés 12 mois sur 12, un très grand chef, Eliahu Inbal, survolté, euphorique, plus en forme que jamais à 73 ans, vivant tellement la musique qu’il faisait surgir qu’il exécutait des sauts de cabri tout en conduisant, quatre chanteurs solistes inspirés (j’ai particulièrement apprécié la sopraniste Heidi Grant Murphy à la voix d’une pureté et d’une agilité merveilleuses, mais les trois autres voix ont été à l’unisson de ce remarquable succès collectif).

Le public ne s’est pas trompé. Là où les dodécaphonistes et autres sorciers de la destruction musicale attirent une petite centaine d’auditeurs froids et pédants, Pleyel était comble vendredi soir. Et les interprètes leur ont offert une musique exceptionnelle parce qu’elle est résolument moderne, avec de remarquables inventions sonores, mais qu’elle correspond à ce que l’oreille du mélomane ordinaire attend et comprend, qu’elle agit directement sur l’émotion, qu’elle raconte une histoire. Une musique violente parfois, surprenante par des dissonances, qui ne sont jamais gratuites, parce qu’elles expriment la révolte ou la douleur et donc qu’elles portent un message, une musique dynamique, s’appuyant sur la richesse des percussions et des cuivres, qui se développe en captant l’auditeur, sans temps morts, stimulant sans relâche les émotions. Les passages énergiques alternent avec de longs développements méditatifs, où la fusion parfaite des instruments et des voix, allant decrescendo jusqu’à ne plus constituer qu’un murmure, évoquaient le ravissement de l’infinitude céleste. Voilà de la vraie musique, qui parle, qui agit sur l’âme et sur les sens, une harmonie qui vous met en état de jubilation.

Merci Monsieur Lancino, vous sauvez la musique.

Jean-Michel Bélouve (Agora Vox - January 21, 2010)

 

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